Auteur : Marie-Monique Robin
Titre : Les moissons du futur
Comment l'agroécologie peut nourrir le monde
Broché : 297 pages
Editeur : La Découverte - Arte Editions
Sortie 11 octobre 2012
Mon avis :
Présentation de l'éditeur :
Marie-Monique Robin, journaliste et réalisatrice, est lauréate du Prix Albert-Londres (1995). Elle a réalisé de nombreux documentaires – couronnés par une tren-taine de prix internationaux – et reportages tournés en Amérique latine, Afrique, Europe et Asie. Elle est aussi l’auteure de plusieurs ouvrages, dont à La Découverte, en coédition avec Arte-Éditions, les best-sellers Le Monde selon Monsanto (2008, 2009) et Notre poison quotidien (2011).
Ma lecture :
Cela fait une petite éternité que je suis sur ce titre.
On m'avait prévenue : "Tu vas voir, le propos est un peu autocentré... mais il faut passer au-dessus de cela, ça vaut vraiment le coup." Je me suis donc accrochée car effectivement, Mme Robin parle beaucoup d'elle...
Et grand bien m'a pris : les débuts sont totalement passionnants. Dans le premier chapitre, intitulé "Mettre la plume dans la plaie" : l'arbre de vie du Malawi, l'auteure nous présente une expérience réussie d'agroforesterie au Malawi. Et dès ces premières pages, on comprend que durant toute la lecture, nous allons nous révolter !
Nous révolter contre ces grands groupes agro-industriels qui détruisent notre planète, exploitent des populations entières, les affament, exercent une pression sur les gouvernements et les organisations internationales telles que le FMI (à moins que ce ne soit un complice...), pour parvenir à leurs fins et engendrer encore plus de profits.
Nous révolter contre ces grands décideurs de tous pays qui se laissent manipuler par les lobbys et dicter leurs lois au mépris du droit le plus élémentaire à une alimentation suffisante et de qualité.
Nous révolter parce que contrairement à ce que l'on nous répète à l'envi, des solutions existent, ont fait leurs preuves, et ce sur tous les continents !
L'agroforesterie se définit comme un mode d’exploitation des terres agricoles associant des plantations d'arbres aux cultures, pâturages et élevage. Ces modes de production offrent de multiples avantages tant en termes de productivité, d'écologie (moindre utilisation, voire abandon des engrais chimiques et autres pesticides), sur la biodiversité, dans la lutte contre les effets climatiques, les pollutions, inondations...
Parallèlement à cet exposé sur les avantages de l'agroforesterie, et partant de là, de l'agroécologie, Marie-Monique Robin nous présente également les modes de pression (chantage ?) de sociétés telles que Monsanto, Cargill et consorts sur les pays en développement pour la promotion de leurs produits, toxiques et d'un coût exhorbitant pour les populations. Tout cela avec la bénédiction, la complicité, du FMI et de la Banque Mondiale !
Après un passage plus difficile à lire de mon point de vue, où MM Robin nous trace une histoire / philosophie du courant agroécologique et biologique (et sur lequel je suis restée bloquée un long moment...), l'auteure nous conduit de nouveau à travers le monde à la découverte d'expériences confirmant toutes qu'un autre mode de production alimentaire est possible, plus juste, plus durable, respectant l'environnement et les populations paysannes... et surtout, en capacité de nourrir l'humanité avec des produits de qualité !
Et là, mon sang bout !!!! Je ne m'en suis toujours pas remise ! On a beau le savoir, il est toujours difficile de le lire aussi clairement : on nous prend pour des imbéciles (pour être polie) !!!! Ce livre est bourré d'exemples ! J'en en ai relevé des pages et des pages dans la perspective de ce billet ! Mais au risque de paraphraser ce livre, je vais me contenter de vous en présenter un seul... L'ALENA.
L'ALENA est l'accord de libre échange de l'Amérique du Nord, conclu entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. L'objet : l'ouverture des frontières aux produits, agricoles notamment. Et la suppression de toutes les aides aux petits producteurs... au Mexique.
Résultats : les produits agricoles américains, massivement subventionnés, produits à grands renforts de pesticides et engrais chimiques particulièrement toxiques pour l'être humain et l'environnement, de systèmes d'irrigations destructrices des nappes phréatiques... ces produits innondent le marché mexicain contraint d'ouvrir ses frontières et de supprimer les aides aux petits paysans.
Conséquence 1 : exode rural massif au Mexique, accroissement de la pauvreté dans les campagnes, explosion de l'immigration clandestine aux Etats-Unis (où les mexicains, sans papiers, sont très largement employés par les grandes firmes de production agro-industrielle, leur statut illégal leur offrant un avantage certain sur les travailleurs américains, protégés et mieux payés...). Les campagnes mexicaines se vident de leurs jeunes et des hommes, chargés d'envoyés de l'argent gagné aux USA dans leurs familles au Mexique. Les travailleurs américains de leur côté, perdent leur job...
Conséquence 2 : le Mexique est invité à produire massivement pour les agrocarburants consommés par les USA et l'Europe. L'agriculture vivrière est largement remplacée par une production destinée à l'exportation. Les marchés et la spéculation font que les cours des produits alimentaires de base sont fluctuants, au détriment là encore des populations les plus pauvres.
Conséquence 3 : l'industrie de la drogue est devenue le seul marché rémunérateur au Mexique, développant ainsi les phénomènes de gangs et la violence. Le Mexique est devenu le pays le plus dangereux de la planète.
Tous ces pays, d'Amérique du Sud, d'Afrique, d'Asie... étaient autosuffisants en matière alimentaire. Ils sont tous devenus largement dépendant des productions nord-américaines et européennes, toutes deux aussi largement subventionnées (PAC). Tous peuvent remercier le FMI ou la Banque Mondiale qui leur imposent, en cas de crise (financière, climatique, alimentaire...) d'ouvrir leurs frontières et de supprimer les subventions aux petits producteurs.
Au Sénégal, de petits paysans ont été chassés de terres en bordure de fleuve pour permettre la construction d'un barrage destiné à l'irrigation de culture intensives... européennes !!!! et françaises notamment...
Ces initiatives sont largement soutenues (si ce n'est pilotées) par des firmes telles que Monsanto qui, sous prétexte de faire dans la "charité", inondent les marchés en développement de semences hybrides ou transgéniques ne permettant pas au paysan de recueillir les graines pour les semer l'année suivante (notion du droit de propriété intellectuelle...) et nécessitant un usage massif de produits (intrants) chimiques. Ou comment créer la dépendance et faire disparaître les espèces végétales autochtones, et par là même la biodiversité ! Quand vous saurez que l'investissement humanitaire de Mr Bill Gates se traduit par des investissements massifs dans toutes les recherches conduites par le groupe Monsanto... vous serez moins prompts à leur croire réellement altruiste.
Le pire dans ce livre, c'est de voir à quel point chacun à conscience d'être dans un cercle infernal, qu'il faudrait si peu pour en sortir... et que pourtant, il semble si difficile de croire que les gouvernements s'insurgent contre cet état de fait.
Il y aurait encore tellement à dire sur ce livre passionnant et terrifiant à la fois, exaltant et révoltant en même temps (comme par exemple le nombre de cancers dus aux pesticides, le coût pour les Etats et la nature de ces usages abusifs...) : je vous invite vivement à le découvrir. Vous pouvez également consulter le site de Marie-Monique Robin et regarder ses films.
Deux exemples enfin, qui viennent ajouter encore de l'eau au moulin de Mme Robin.
Comme dans les Deux-Sèvres de l'auteure, le Morbihan de mes parents connaît son lot d'agriculteurs sous le joug d'un mode d'exploitation inhumain. Il y a celui qui, pour payer les emprunts qu'il a dû contracter pour rembourser les tracteurs lui permettant de faire de l'intensif et d'arroser son champ de produits toxiques, doit travailler en plus à l'usine au prix du bien-être de sa famille et son équilibre psychologique. Il y a celui, enfin, qui endosse combinaison, gants et masque pour traiter ses champs, comme dans la bande-annonce ci-dessus, et qui produit, à bonne distance et pour son compte personnel, des produits biologiques...
Comme le disent de nombreux témoins dans cet ouvrage, l'agriculture intensive n'a pas réussi à nourrir le monde depuis 60 ans. Il est temps de "changer de paradigme" et de revoir notre conception d'une société juste, équilibrée et respectueuse (de l'environnement et des Hommes).
L'avenir appartient à une humanité respectueuse de ses enfants et de son environnement.
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Une lecture idéale pour commencer cette nouvelle année du Challenge citoyen !
C'est aussi une lecture pour le rendez-vous de Opaline, La plume au féminin.